mercredi 4 février 2009

A un euro le kilo, ça ne part pas

Source : http://crise.blog.lemonde.fr/2009/02/04/a-un-euro-le-kilo-ca-ne-part-pas/

Sur le marché de la Place des Emmurées, à Rouen, les prix ont beau défier toute concurrence, il n’y a pas foule, en cette fin d’après-midi de mardi. Ahmed, qui fait le coin avec la rue piétonne, s’empresse, demande à une dame qui se tient à distance s’il peut la servir, coupe un quartier de poire pour une autre qui “d’habitude, préfère les comices”. “Il faut pousser, dit-il. Dix, cinq euros, ça compte”. Car il a calculé que depuis fin octobre, ses ventes ont chuté de 30 % :

MohammedL’étal de Mohammed, au milieu de cette place recouverte par un parking aérien, semble encore moins fréquenté. “Ces belles pommes, à un euro le kilo, ça ne part pas”, dit-il, attristé. Dans le métier depuis une trentaine d’années, il dit que “même sur le marché de la Place Saint-Marc, rive droite, ça baisse, ça baisse, j’ai jamais vu ça”. “Les gens, ils ne regardent plus la qualité, le calibre, l’origine. Juste le prix”. Mais il “comprend”, dit que les “gens, ils ne s’en sortent plus”. On lui a demandé, récemment, de faire crédit :

Il me montre une dame, avec son fils en poussette, qui fouille dans les cageots de fruits destinés à la poubelle, et cela le désole.

Nourallah ChebiNourallah Chebi, qui règne sur le plus long étal, qui donne sur la rue, a connu une année 2008 “superbe”, mais un mois de janvier “difficile”. “Il y a le froid, les soldes, la crise, les médias qui en parlent : les gens se limitent au minimum. Ils prennent deux ou trois pommes au lieu qu’un gros kilo. Ils viennent à la fin, quand on brade. Les noix, ou les fruits qui sont pas de saison, comme les fraises, partent moins”. Il a fallu s’adapter. Réduire les marges, comme ses collègues, et vendre par lots la marchandise “un peu moins belle, mais moins chère”. Explications :

Aziz

Aziz est peut-être le plus sombre, et regrette son ancien emplacement qui bénéficait du passage dans la rue. Aujourd’hui, il a vendu pour trois cents euros, mais il lui reste des palettes entières non déballées, d’autres déjà gâtées par le froid, et “en janvier, je n’ai pas gagné un centime”. Comme Ahmed et Mohammed avant lui, il me parle des charges, qui sont “trop lourdes” et “tuent les petits commerçants”. De ces frais qui augmentent “tous les ans” - le prix de la marchandise, l’assurance, l’emplacement, le carburant. De l’entreprise, qui “progresse pas, malgré notre énergie qu’on dépense”. Pour lui, “le seul avantage, c’est qu’on travaille pour soi. Il faut résister, il n’y a rien d’autre”. Il place ses espoirs dans les mois d’été, traditionnellement meilleurs.

Claire Ané

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